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La peste de 1720 (les annexes)



La cellule de Jean-Baptiste Chataud au Château d'If (Photo Nadine)

Le capitaine Jean-Baptiste Chataud

Aux yeux du gouvernement, Chataud a introduit la peste à Marseille volontairement : il a trompé les autorités sanitaires de Livourne et de Marseille. Aussi ordre est donné "de faire emprisonner le capitaine Chataud pour le punir du mystère qu'il a osé faire en arrivant à Marseille de la maladie qui était dans son équipage, dont les suites n'ont que trop justifié la fausseté du certificat qu'il aurait obtenu à Livourne".
Un mois plus tard, le 28 août, tout en reconnaisasnt alors au certificat livournais un caractère explicite sur la nature de la maladie, l'accusation est cependant maintenue.
Le 8 septembre, sur l'ordre du marquis de Pilles, Chataud est écroué dans le donjon du Château d'If, et, le 18, il est inculpé, "sur plainte du procureur du roi en l'Amirauté, de "contraventions aux ordonnances de la Santé, fausses déclarations, d'avoir fait entrer des marchandises avant la purge et d'avoir favorisé l'évasion d'un homme d'équipage pendant la quarantaine". A ces violations des prescriptions sanitaires, le lieutenant-général de l'Amirauté refuse de croire. Rendant compte à l'intendant Lebret de son enquête à l'île de Jarre, au cours de laquelle il interroge les membres de l'équipage, il écrit le 23 septembre : "Il ne conste (constate) pas par cette information qu'on a fait entrer des marchandises ni des pacotilles en fraude dans la ville, ni qu'il se soit sauvé aucun de l'équipage du capitaine Chataud. Si ce capitaine, à son arrivée, a déclaré les morts qu'il a eu dans son bord pendant sa route et la nature de la maladie, il est moins coupable qu'on le fait...". Et pourtant, il demeure en prison. Un ordre du roi du 22 janvier 1721, exécuté le 7 avril suivant, ordonne son transfert dans les prisons royales de l'Amirauté. Puis, plus rien. Chataud semble être oublié. Le silence est parfois troublé par ses protestations d'innocence que répandent des placets. Finalement, le 8 juillet 1723, la sentence est rendue : "Nous, lieutenant général en Conseil, avons, sur la plainte du procureur du roi, mis ledit Chataud hors de cours et de procès..." et le 3 août, le commandeur de Langeron signe la levée d'écrou.  Il aura fallu deux ans et onze mois au capitaine Chataud pour recouvrer la liberté, alors que, quinze jours après son arrestation, le même lieutenant général de l'Amirauté ne croyait déjà plus à sa culpabilité.

L'île de Jarre

L'île Jarre comme celle de Pomégue était utilisée pour accueillir les navires en quarantaine, et c'est là que fut dirigé le "Grand St-Antoine" lorsque l'on découvrit qu'il y avait bien en définitive, la peste à bord. Malheureusement une partie de sa cargaison et de son équipage avaient déjà quitté le bord ! A cette époque avait été mis en place le régime des "patentes" pour lutter contre les contaminations en provenance du Moyen-Orient ou la peste régnait pratiquement à l'état endémique. "A chacune des escales, le capitaine du navire doit rendre visite au consul de France qui lui remet en mains propres la patente dûment signée. Si dans la région tout est calme sur le plan sanitaire, la patente est dite "nette". Elle peut être "soupçonnée" et elle devient "brute" en cas d'épidémie locale."

La peste

La peste (du latin pestis atra, la mort noire ou la mort funeste) est une maladie causée par le bacille Yersinia pestis et qui affecte aussi bien les animaux que les hommes. Elle est principalement véhiculée par un rat : le Rattus rattus, qui la transmet à l'homme par l'intermédiaire de puces infectées (puce du rat Xenopsylla cheopsis, dans les pays chauds comme l'Inde, ou Nosopsyllus fasciatus en Europe). Le bacille responsable de la maladie fut appelé Yersinia pestis car il fut découvert par Alexandre Yersin (Institut Pasteur) en 1894.
Les rongeurs sauvages constituent le réservoir naturel de la maladie. Les lagomorphes (lapin, lièvre) et carnivores peuvent infecter l'humain par contact avec un animal infecté ou morsure d'un animal infecté. En raison des ravages qu'elle a causés, surtout pendant le Moyen Âge, la peste a eu de nombreux impacts sur l'économie, la religion et les arts.

Les mesures de protection

À partir du XVIe siècle, les mesures d'isolement apparaissent, avec désinfection et fumigation des maisons, isolement des malades, désinfection du courrier et des monnaies, création d'hôpitaux hors les murs, incinération des morts. La mise en quarantaine systématique des navires suspects s'avère efficace pour éviter de nouvelles épidémies, chaque relâchement de l'attention rappelant sans tarder les conséquences possibles (Peste de Marseille en 1720).
Le masque au bec de canard a été imaginé par De Lorme, médecin de Louis XIII ; on y plaçait des plantes aromatiques aux propriétés désinfectantes, notamment de la girofle et du romarin.


Explication de la gravure

  "L'habit exprimé dans cette figure n'est pas une chose de nouvelle invention dont on ait commencé l'usage dans la dernière peste de Marseille. Il est d'une plus vieille date et Messieurs les Italiens ont fourni à peu près de semblables figures, depuis de fort longues années. Le nez en forme de bec, rempli de parfums et oint intérieurement de matières balsamiques, n'a véritablement que deux trous, un de chaque côté, à l'endroit des ouvertures du nez naturel, mais cela peut suffire pour la respiration et pour porter avec l'air que l'on respire l'impression des drogues renfermées plus avant dans le bec. Le masque a des yeux de cristal. Sous le manteau, on porte ordinairement des bottines, à peu près à la Polonaise, faites de maroquin du Levant, des culottes de peau unie, qui s'attachent auxdites bottines et une chemisette aussi de peau munie dont on renferme le bas dans les culottes ; le chapeau et les gants sont aussi de la même peau". Dr Manger, Traité de la peste, Genève, 1721.

"Dès l'apparition de la peste, on vit surgir une nuée d'indicateurs de recettes sûres. De tous les points de France et même de l'étranger, on s'intéressait  aux malheurs des Marseillais et on s'efforçait de les atténuer. Ainsi un explorateur du Sénégal, un avocat de Nîmes, un prêtre de Digne, un marquis parisien envoyèrent aux échevins des recettes plus sûres les unes que les autres". Cette liste est, d'ailleurs, très loin d'être exhaustive. De cette "science" foisonnante, deux témoignages choisis avec soin dont nous doutons fort que l'on ait largement usé !
La poudre de crapaud : "Prendre un gros crapaud et le suspendre par les pattes arrières devant un feu. Mettre sous lui une écuelle ointe de cire et attendre la mort de l'animal. Avant de mourir, il vomit des vers et des mouches vertes que l'on incorpore à la cire fondue. D'autre part, calciner le corps du crapaud et en faire une poudre. Mêler cette poudre avec ce qu'il a vomi et en faire de petites pastilles que l'on applique sur le coeur". Heureusement, la recette ne demandait pas de les sucer !
Pilules au coeur et au foie de vipère : "Arracher la langue et la queue d'une vipère, puis, clouer l'animal sur une planche et le fendre en long sans toucher le coeur ni le foie. Prendre ces derniers, les mettre dans un pot de terre, les torréfier à petit feu et les réduire en poudre : dose : 10 à 20 grains. On peut encore manger le coeur frais du reptile". Séduisante alternative !

Les Marseillais usèrent largement de multiples "parfums", plus encore du fameux "
vinaigre des quatre voleurs" en imprégnant une éponge que l'on portait devant la bouche, et qui était censé protéger de la contagion.
En voici la recette et l'emploi :
trois pintes de fort vinaigre de vin blanc, une poignée d'absinthe, une poignée de reine des prés, une poignée de marjolaine sauvage, une poignée de sauge, cinquante clous de girofle, deux once de racine de nulle-campana, deux onces d'angélique, deux onces de romarin, deux onces de marube, trois gros de camphre.
Mettez le tout dans un vaisseau (jarre) pendant quinze jours, et bien luté (hermétiquement bouché) ; après lequel temps, passez à travers un linge avec expression. Mettez ledit vinaigre dans des bouteilles bien bouchées.
Usage : On s'en frotte les tempes, les oreilles, les mains de temps en temps, quand on est obligé d'approcher les pestiférés". Les "quatre voleurs" étaient-ils des Marseillais, des Toulousains ? L'histoire est la même dans les deux cas. Ils évitèrent le châtiment en dévoilant la formule de leur préservatif et en furent du même coup, les premiers et vraissemblablement les véritables bénéficiaires. Quant aux innombrables utilisateurs, la question reste posée.

La tradition signale que trois professions sont épargnées par la peste : les chevriers et les palefreniers (car l'odeur des chèvres et des chevaux repousserait les puces du rat) et les porteurs d'huile car l'huile qui les oint repousserait elle aussi les puces.

 

Le Mur de la peste


Le Mur de la Peste a été édifié dans les Monts de Vaucluse afin de protéger le Comtat Venaissin lors de l'épidémie de peste qui frappa Marseille et une partie de la Provence (1720-1722). S'étirant sur 27 kilomètres, il est bâti en pierres sèches. Le long de ce mur, des guérites en pierres sèches accueillaient des gardes.
En mars 1721, pour limiter la propagation de la maladie que les restrictions de circulation ne parviennent pas à contenir, le Roi de France, les territoires pontificaux d'Avignon et du Comtat Venaissin décident de se protéger par une ligne sanitaire matérialisée par un mur de pierres sèches entre la Durance et le Mont Ventoux, et gardé jour et nuit par les troupes françaises et papales empêchant tout passage. Les habitants sont ainsi réquisitionnés pour son édification, le mur doit empêcher toute relation entre le Comtat Venaissin et le Dauphiné encore épargné.
À partir de 1723, le mur n'a plus d'utilité sanitaire, et on réutilise les pierres pour d'autres constructions.

Depuis 1986, une campagne de restauration et de valorisation est en place par l'intermédiaire de l'association "Pierre sèche en Vaucluse". On peut voir le mur entre Cabrières-d'Avignon et Lagnes, ainsi qu'à Murs.
Aujourd'hui, près de 6kms ont été restaurés.


Image:Mur de la peste.jpg

Le Mur de la peste (Photo trouvée sur Wikipédia)


Mais encore

En 1998, une excavation d'un charnier des victimes de l'épidémie de peste bubonique fut conduite par des étudiants de l'Université de la Méditerranée. L'excavation fournit l'occasion d'étudier plus de 200 squelettes provenant du deuxième district de Marseille connu sous le nom de Monastère de l'Observance. En plus des tests de laboratoires modernes, les archives furent étudiées pour déterminer les conditions et les dates entourant l'utilisation de ce charnier. Cette approche multidisciplinaire révéla des faits et des renseignements inconnus auparavant concernant l'épidémie de 1722. L'un des corps présentait la première attestation historique d'autopsie. La reconstitution du crâne d'un garçon de 15 ans indique qu'une autopsie fût pratiquée durant le printemps de 1722. Les techniques d'anatomie utilisés semblent être identiques à celles décrites dans un livre de médecine datant de 1708.



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