Port de Toulon - Gravure de Pierre Letuaire
Toulon, plus que toute autre ville, a souffert de la Révolution.
Dès les premiers troubles a régné en maîtresse une bande d'ouvriers de l'arsenal, de matelots déserteurs, d'hommes du peuple, de portefaix, bouchers, forgerons, crocheteurs, etc... La guerre est
déclarée à l'autorité maritime. Le chef de cette bande est Sylvestre, vainqueur de la Bastille, héros du 10 août, expédié dans le Var par les Jacobins de Paris. Y figurent aussi : Paul, un
rentier, le perruquier Lambert, le "chiffonniste" Figon, Monteil et le "pendeur de la ville" Lemaille dit Beau-Soleil. Leur programme est le pillage des maisons riches et l'amputation des têtes
d'aristocrates... C'est un spectacle coutumier de voir, à la corde des lanternes, pendre un corps humain haché de coups de sabre... La municipalité complice pactise avec les bandits, la Garde
Nationale protège les massacres... La ville est terrorisée. Le Major général de Rochemares a été pendu ; l'amiral de flotte d'Argenson, commandant de la Marine, dépecé.
L'insubordination a gagné les équipages des navires. Un homme, un "bridier", s'est alors révélé : il s'appelle Jean-Baptiste Roux. Le 12 juillet 1793, comme les terroristes venaient de parcourir
une fois de plus la ville en vociférant des menaces de mort, Roux frappa aux portes, entra chez tous ceux qu'il savait être ennemis du désordre et leur donna rendez-vous, pour le soir-même, à la
Chapelle des Franciscains, dans un faubourg, contre les remparts. Il y eut foule. Roux prit la parole, fit un "tabac" !.. Une délégation va à l'Hôtel de Ville et après bien des péripéties, dès le
lendemain, Roux annonce solennellement le retour de Toulon à la fidélité monarchique, proclame Louis XVII et commande d'arborer sur tous les édifices le drapeau blanc fleurdelisé. Il forme un
Comité Général de Gouvernement, composé de citoyens honnêtes et d'officiers de marine. Les huit principaux terroristes sont arrêtés et livrés à la justice. On emprisonne les deux Conventionnels
Beauvais et Baille (ce dernier se suicide dans sa cellule...).
Bonaparte blessé par un soldat anglais lors du siège de Toulon (1793)
par Jacques Onfroy de Bréville, dit Job
Par la suite, Roux fut, semble-t-il, mis moins en avant. Le Comité Général accepta le concours des Anglais qui croisaient sur la rade et qui s'emparèrent du port militaire...Toulon expia cela
cruellement. Bonaparte chassa les Anglais. La nuit du 18 au 19 décembre fut, pour les Toulonnais, une nuit d'épouvante... A l'aube, plus de 20.000 Toulonnais veulent embarquer sur les vaisseaux
anglais. Les Conventionnels, à peine revenus s'installer à la Maison Commune, décrétèrent le massacre en masse : toute la population dut se regrouper au Champ-de-Mars, et, la passant en revue,
les représentants la décimèrent. Les exécutions se prolongèrent pendant plusieurs jours : 200 fusillés le 20, 200 le 22, 400 le 24, 800 le 5 janvier...et l'on ne sait pas tout...
Parmi les laissés pour morts, Jean-Baptiste Roux et son fils !...
Ils gagnent la campagne où ils trouvent un abri qui les sauve. On ne sait où se terra ce Jean-Baptiste Roux qui eut le singulier privilège d'être "le premier vaincu de Napoléon". A la
Restauration il reparut. Ses concitoyens le traitaient avec déférence.
Roux était célèbre et on le montrait aux visiteurs de marque.
Marie-Caroline Ferdinande Louise de Bourbon, duchesse de Berry (1798-1870)
C'est ainsi (voir les Mémoires d'Outre-Tombe de Chateaubriand) qu'il fut présenté à la future Duchesse du Berry, lors de la venue de celle-ci à Toulon. Elle écrivit à son fiancé, futur roi de
France: " J'ai vu avec plaisir ce brave Rousse (sic), le seul qui ait fait connaître Louis XVII et qui continue par un entier et désintéressé dévouement à se rendre utile à son pays et à son
roi."
En 1817, Louis XVIII accorda à ce survivant des grands désastres le Cordon de Saint Michel... mais Jean-Baptiste Roux mourut quelques jours avant l'arrivée de l'ordonnance royale qui le
décorait.
Reprise de Toulon par les troupes françaises le 15 décembre 1793
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C'est un généalogiste, Monsieur Dominique Roux, de passage à Trans en Provence avec sa femme qui est venu chez moi un après-midi. Il voulait des renseignements sur un de ses ancêtres transians
car il est le descendant d'une famille Roux originaire du village.
Une des branches de cette famille a fait souche en Argentine et a toujours des descendants vivants là-bas. Comme quoi, le monde est petit ! J'ai réussi avec toutes les données que j'ai
emmagasinées au cours de mes très nombreuses années de recherche, à lui donner des informations sur sa famille. Il m'avait promis de m'envoyer ce texte.
Je lui en laisse la conclusion et je l'en remercie :
"Voici donc résumée l'histoire de "Roux Louis XVII", comme on le surnommait, d'après un article paru dans le journal "L'Abeille de la Nouvelle Orléans" daté du 8 avril 1913 et signé G. Lenotre et
que j'ai essayé de rendre concis sans le dénaturer. Il va de soi qu'il serait très intéressant d'en savoir plus sur cet éminent personnage... et sur sa généalogie !!!"